1927: L'assaut d'une nouvelle technologie

William Marcotte et sa famille Que représente l'arrivée de la radio pour les habitants
des Prairies ? Il s'agit d'une bénédiction brisant leur isolement. Ils sont désormais informés au quotidien des événements qui touchent leur communauté, mais aussi le monde extérieur. Toutefois, cette ouverture à l'autre est vue d'un mauvais par les chefs des communautés francophones des trois provinces des Prairies. Ils croient que l'intrusion de l'anglais dans les foyers français menace la langue. Ils redoutent aussi cette voix anglo-protestante qui, à leur avis, propage une conception matérialiste de l'existence, contraire aux valeurs franco-catholiques. On juge qu'il faut à tout prix entendre du français dans le ventre de la machine pour diminuer cette mauvaise influence. À cette époque, quelques individus tâteront de la radio en français.

En 1927, le propriétaire du Patriote de l'Ouest , Joseph-Eldège Morrier, étudie la possibilité de créer un poste de radio bilingue et catholique. Le 20 avril 1927, il écrit au ministère de la Marine et des Pêcheries pour connaître les coûts d'une telle aventure et ses chances de réussite. Le ministère lui fait parvenir un formulaire à remplir afin d'être « inscrit parmi ceux qui ont manifesté le désir d'obtenir une telle licence » . Il y est invité à fournir plus d'information sur son projet. Morrier souhaite un poste bilingue « pour affirmer les droits égaux du français et de l'anglais au Canada » et catholique « pour présenter le point de vue de la vérité catholique sur toutes les questions » . Personne ne prendra la relève de Morrier lors de son départ de la Saskatchewan un an plus tard. Le projet tombe à l'eau.

En 1929, Maurice Goulet, un jeune Métis franco-manitobain anime en français une série de « concerts » sur les ondes de CJRW à Winnipeg. Tout comme les leaders francophones, il veut promouvoir la culture auprès des Franco-Canadiens des Prairies au moyen de la radio. En février 1930, les concerts n'ont plus lieu. La raison offerte par la station est un auditoire trop faible. Maurice Goulet « soupçonne une influence jaune la dessous [sic]».

De son côté, Emmanuel Lemire, un agriculteur de Coderre, obtient, le 24 janvier 1932, une heure de musique française du poste CJRM de Moose Jaw. Des disques Victor, Paul Dufault, Enrico Caruso, quelques dialogues comiques du père Ladebouche sont au programme. Mais c'est la période de la crise économique. L'argent est rare. À partir du moment où le pays réalise l'importance de créer une radio d'État, c'est là que les associations francophones dirigeront leurs appels pour du français sur les ondes.